LES PAPETIERS DE PREAU ET DE PONT-DE-PREAU

D'après l'ouvrage "Anciennes Usines à Eau de Cerdon et Labalme" - Jacques Grimbot - Imprimerie Fontaine - Ambérieu-en-Bugey - 2019

Préau

Dès 1427 une baptistorum papieri y mola est établie au village de Préau par Pierre et Jean Maréchal. Dans les vingt années qui suivent la papeterie va connaître un essor considérable en concordance avec l’apparition de l’imprimerie1.

Au XVIe siècle les Du Bruel2 développent la papeterie et en 1547 Antoine Dubreuil est reconnu comme papetier. Trois ans plus tard deux papeteries existent dans ce hameau et déjà en 1575 les papetiers de Préau exportent leur papier sur de gros bourgs ou villes comme Lyon..

Au milieu du XVIIe siècle une troisième papeterie voit le jour. La dynastie des Dubreuil papetiers issue à l’origine des du Bruel sera ainsi reconnue pendant des siècles. Les papeteries fonctionnent à partir d’une roue à aubes qui transmet un mouvement à un arbre qui actionne plusieurs maillets dont la base est tranchante et qui déchiquettent les chiffons et autres « pattes » dans les piles (bac en pierre taillée ou creux de pile creusés dans le sol. La pâte obtenue est placée dans une cuve chauffée par en dessous dans la pièce voisine où opère un ouvrier (l’ouvreur) qui à partir de la forme qu’il plonge dans cette cuve afin de fabriquer la feuille après l’avoir égouttée. Cette feuille encore humide prise par un autre ouvrier (le coucheur) la dispose entre des feutres. Lorsque le coucheur a réunit un grand nombre de feuilles entre les flotres, l’ensemble est pressé par une énorme presse à vis. De là les feuilles débarrassées de leur eau sont placées et suspendues sur des cordes dans un vaste étendoir au dessus des salles et souvent ouvert au courants d’air. Ces usines à eau vont subir des transformations. Certaines disparaitront au profit de nouvelles en conformité avec l’évolution des technologies..

Les Dubreuil papetiers deviennent des notables importants au XVIIIe siècle comme Simon Dubreuil, député du bailliage du Bugey, qui exploite celle qui se situe à l’extrémité d’un canal de 200 mètres au centre du hameau. Durant cette période des ouvriers spécialisés débarquent à Préau ils ont pour nom Ranglet, Grivel, Sève. A la fin de ce siècle Victor, Etienne et Jacques en sont les figures les plus représentatives. Ils savent recruter des compagnons papetiers très performant venus pour la plupart du Puy-de-Dôme, du Jura, de l’Isère comme les Palhion, Dumas, Guillermet, Loisel, Sève, Mical, Blaffard, Hyvernot. Malgré certaines tractations, sous le premier Empire et la Restauration, l’essentiel des papeteries restent la propriété des Dubreuil. Le service des Ponts et Chaussées devenu plus exigeant impose des règlementations plus rigides pour les usines à eau et intervient plus efficacement dans les conflits relatifs à l’hydraulique..

En 1818 un nouveau propriétaire papetier Jean Baptiste Lacombe s’est installé à Préau. Il a acheté aux descendants de Victor Dubreuil l’ancienne papeterie au centre du village. A son décès Jeanne sa fille devenue Mme Charlet reprendra l’usine d’où le nom qui lui est restée de papeterie Charlet. Les petites entreprises papetières commencent à accuser le coup face à des fabricants plus importants près des grandes villes et vers lesquels les chiffonniers fournissent leur matière première. Roch Auguste Dubreuil  décide alors de se tourner vers la fabrication de carton utilisé dans la soierie avec le métier Jacquard. N’oublions pas qu’à proximité Claude Joseph Bonnet à installé à Jujurieux une nouvelle usine de soierie. Il devient urgent de procéder à la transformation mécanique du système de fabrication et de trouver des financements. Il arrive aussi que des incendies surviennent et paralysent  la production comme en septembre 1860 et en novembre 1879. La fabrication du carton à partir de la paille de seigle nécessite de nouvelles machines comme le broyeur, le lessiveur, des enrouleuses et des presses hydrauliques..

En 1882 on compte à Préau deux papeteries appartenant à Roch Auguste Dubreuil et une appartenant à Jean Rosier (la papeterie Charlet). Cette dernière cessera définitivement son activité en 1885. Elle deviendra La fonderie de cuivre Curbillon puis la tournerie Arpin et n’aura plus d’activité industrielle par la suite. Au début du XXe siècle l’usine Dubreuil  s’est modernisée avec l’adjonction d’une machine à vapeur, d’une turbine, d’une chaudière à vapeur, d’une machine à carton avec presses et sept cylindres, d’un laminoir et d’une machine à encoller. Mme Sophie Carrier veuve de Roch Auguste Dubreuil confie la gestion de l’usine à son fils Francisque Ajax Dubreuil qui opère plusieurs transformations dans le système mécanique. Il sera le dernier Dubreuil à gérer l’usine à papier.

 

Vers 1910 avec la cheminée de la machine à vapeur

Vue prise d'amont avec à droite l'ancien séchoir

Son gendre Maurice Paul prendra la suite. Vers 1950 l’entreprise se tourne vers la production de carton d’emballage et de carton gris. En 1956 les bâtiments sont totalement réédifiés. Sous l’impulsion de Robert et André Paul  l’usine va connaître une certaine stabilité jusqu’à l’incendie du 7 janvier 1989. Les frères Paul décédés la gestion de l’usine devient chaotique avec des propriétaires successifs qui ne modernisent pas le matériel. En liquidation en 2008 elle est radiée du registre du commerce en 2009.

"La papeterie de Sous la Roche" - Aujourd'hui bâtiment démoli (on peut voir une partie de la conduite forcèe derrière le bâtiment

Vers 1910 - Quelques cartons sèchent sur le pré

La papeterie Dubreuil à la fin des années 50

 

 

 

 

 

 

 

 

Le bâtiment vidé de sa machine impressionnante est encore là. En amont Sous Roche le vieux bâti de la papeterie a été démoli. Quelques éléments dont une pile hollandaise en pierre sur le bord de la route transformée en bachat3 et des éléments disparates de conduite forcée présentes dans le lit de la Morena témoignent de la présence des papetiers à Préau.

Pont-de-Préau

La papeterie Mical et la papeterie Chavent

En 1824 Nicolas Mical construit une papeterie à l’intersection de la route à grande circulation de Lyon à Genève et du chemin de Cerdon à Préau. Peu à peu son activité va décroitre et en 1869 elle sera achetée par Victor Main qui en fera une cuivrerie qui cessera ses activités en 1905. Elle connaîtra une restauration pour devenir la tournerie Buchenod mais sans activité après la seconde guerre mondiale elle deviendra une ruine dont il ne reste  plus rien à l’heure actuelle.

Créée vers 1830 au bord de la Morena la papeterie Chavent ne fonctionnera en tant que telle que jusqu’en 1856. Elle sera reconvertie en chaudronnerie. En 1905 elle deviendra l’usine Charrière et Bolliet, fabrique d’articles en celluloïd et peignes puis une fabrique de bois tourné avec Jean Baptiste Vuarin jusqu’en 1962.

1L'invention de l'imprimerie date de Gutenberg, de son vrai nom Johannes Gensfleisch, inventa l'imprimerie à caractères métalliques mobiles dans son atelier de Mayence en Allemagne. C'est grâce à sa presse à bras qu'il apporte un gain de temps considérable dans la reproduction d'ouvrages écrits.

2 Origine du nom Dubreuil désignant un bois clôturé (gaulois brogilo).

3 bachat ou bacha : bac à eau parfois pour les animaux.